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Ségolène Charles

Participation citoyenne & numérique en période « Covid » : quels « gestes-barrières » pour les professionnels de la participation ?

(c) Charles Deluvio

Le confinement nous a tous plongé dans un arrêt soudain et subi de nos activités. Les démarches de participation, pour la plupart en « pause » côté commandes publiques continuent à se développer du côté des commandes privées. Les professionnels de la participation s’interrogent[1] : le numérique est-il la nouvelle solution ? Comment créer le débat et les conditions de convivialité avec une distance d’1 mètre entre chaque personne et le port du masque obligatoire ?

Avec le déconfinement revient les joies de pouvoir discuter de vive voix et d’échanger en face à face. La « menace » du Covid reste pourtant au-dessus de nos têtes et le numérique apparaît comme une des solutions possibles pour poursuivre les démarches avec les habitants.  Cet article propose de s’interroger sur l’offre existante en outils numériques, articulée à des actions en présentiel. Il invite à revenir, au-delà des outils, aux « gestes barrières » de la participation citoyenne, dans une période aussi exceptionnelle.

Quels supports d’animation et de discussion alternatifs à la visioconférence ?

Début Mai 2020, deux mois de confinement : les réunions « Zoom » s’enchaînent et… se ressemblent. Des outils d’animations ont été instaurés pour permettre de structurer le débat numérique : les participants sont mis en mode « muet », on commente à l’écrit, on lève la main, l’animateur donne la parole… les enseignements, webinaires, conférences se poursuivent grâce à ses nouveaux outils de communication.  Pour autant, le discours en monologue et la discussion par écran interposés (souvent sans voir le visage de l’autre) deviennent usants pour l’animateur comme pour les participants. Or, les outils numériques actuellement foisonnent.

L’offre est riche et c’est bien cela le problème : comment ne pas se perdre dans ce territoire sans limite ? C’est dans cette perspective que Nolwenn Dulieu et Ségolène Charles de Atelier du Lieu se sont emparées du logiciel Xmind avec l’accompagnement de Samuel Gautier de FuturOuest  afin de recenser, trier et analyser un certain nombre d’entre eux. Bien évidemment cette « carte mentale » n’est pas exhaustive mais elle a le mérite de proposer des pistes pour les professionnels de la participation.

À travers nos pérégrinations, se sont révélées 6 grandes catégories d’outils numériques plus ou moins directement utilisables à des fins « participatives » :

Certains outils sont payants, d’autres gratuits. Certains interrogent sur le respect de la protection des données quand d’autres « logiciels libres » assurent une protection de celles-ci en mettant à disposition ses codes sources.

Mindmap réalisée par Nolwen Dulieu de l’Atelier du Lieu

Par exemple, nous avons testé l’outils « Mural », la semaine passée.  Comme un grand tableau collaboratif qu’on utiliserait dans la vie réelle, Mural propose en version numérique de débattre à l’aide de post-its virtuels, d’images, d’icônes. Dans le cadre d’une mission mené pour le PLUi de Sèvre et Loire avec le groupement Pluréal, afin de préparer le diagnostic à distance, les techniciens du territoire ont été invités à « épingler » les lieux stratégiques à parcourir. Une réunion en présentielle n’était pour l’instant pas envisageable pour la maîtrise d’ouvrage. La discussion s’est avérée collaborative et particulièrement enrichissante : les participants, tous en capacité de maîtriser l’informatique (et possédant un ordinateur) ont pu entrer en mode « actif ». La discussion a pu avoir lieu sur un support spatial, autour d’un plan : élément non négligeable lorsque l’on parle d’urbanisme. L’outil « Mural » s’est avéré pertinent au regard de la situation et du public impliqué.

Mural collaboratif dans le cadre du PLUi de SèvreLoire

Sli.do réalisé au sein de l’Atelier du Lieu pour discuter des précautions à prendre dans l’entreprise

Dans un autre style, le logiciel « Sli.do » permet de travailler à plusieurs sur une problématique donnée. Chaque participant qui entre sur l’espace collaboratif peut y contribuer et co-former un nuage de mot à partir d’une question posée par l’animateur. Lorsqu’une problématique est soulevée plusieurs fois par différents participants, le mot occupe une place plus importante. Ici, nous avons testé ce logiciel, à distance, avec les collaborateurs de notre agence afin de discuter les mesures préventives à mettre en place au sein de l’entreprise.

Attention, nous n’avons pas l’intention de défendre ici le « tout numérique » mais bien de l’envisager comme une solution complémentaire aux ateliers en présentiel, dans un contexte exceptionnel.

Le numérique comme solution complémentaire au présentiel : aller vers les populations « isolées »

Lorsque l’on observe l’étude de l’INSEE publiée le 28 avril 2020 sur les « conditions de vie des ménages en période de confinement », on comprend facilement qu’il n’est pas possible de se reposer seulement sur une révolution technologique :

  • En effet, 12% des personnes n’ont pas accès à Internet à leur domicile quelle qu’en soit la forme (ordinateur, tablette ou téléphone portable).
  • Les inégalités sont territoriales puisque cette part varie selon les territoires de 14% dans les plus petites agglomérations à 8,2% en agglomération parisienne.
  • Elles sont également sociales puisque 53% des personnes de plus de 75 ans et 34% des personnes sans diplôme ou titulaires d’un certificat d’études primaires n’ont pas d’accès au numérique chez elles.

La Commission National du Débat Public (CNDP) insiste, à juste titre dans son rapport sur une complémentarité entre technologie et rencontre de « vive voix ». Elle propose un certain nombre de solutions, en présentiel, qui incitent à « aller vers » les populations les plus isolées. Quelques soient les outils employés, ce contexte exceptionnel nous invite, aujourd’hui plus que jamais à s’appuyer sur les « gestes barrières » de la participation.

Atelier du Lieu à partir de l’étude INSEE, Avril 2020

Aujourd’hui plus que jamais, revenir aux « gestes barrières » de la participation citoyenne

Nous n’insisterons jamais assez sur l’importance de la « méthode » pour élaborer un dispositif participatif, qu’il soit totalement ou partiellement réalisé en présentiel ou en numérique.

Pour cela, les grands principes clefs de la participation restent essentiels à garder en tête[2] et nous permettent de nous poser les « bonnes » questions. Comme Bruno Latour et son « aide à l’auto-description », ces grandes questions mise en exergue par la recherche du programme Concertation Décision Environnement (CDE), rappellent les professionnels de la participation, aux fondamentaux :

  • Articulation / Intégration Comment les dispositifs participatifs (ou la démarche d’ensemble qui les organise), sont-ils articulés voire intégrés dans le management général du projet, voire associés à d’autres démarches de démocratisation de l’action publique ?
  • Temporalité/continuité : À quels moments les dispositifs envisagés interviennent-ils au cours du projet, dans quelles situations de projet ?
  • Inclusion : Dans quelle mesure toute personne qui le souhaite et se sent concerné par le projet a-t-elle pu s’impliquer dans les démarches et dispositifs ? Comment les habitants ont-ils été sollicités ou ont-ils été sélectionnés ? Les dispositifs étaient-ils ouverts, fermés ?
  • Argumentation Comment les décisions prises sont-elles argumentées et prennent-elles en considération à cette occasion les débats dans lesquels les citoyens se sont exprimés ?
  • Égalité : Les différentes personnes impliquées ont-elles la possibilité de s’exprimer et font-elles l’objet de la même considération ?
  • Publicisation / transparence: Comment sont envisagés l’accessibilité et la diffusion des informations liées au projet : données, éléments de contenu, « règles du jeu » liés aux dispositifs et à leurs objectifs, processus de décision.

Ces grands principes, à une époque d’incertitude et de remise en cause de nos pratiques habituelles, sont une précieuse aide pour construire un cadre participatif pertinent et adapté à ce contexte exceptionnel. Comme des « Gestes barrières » ils nous invitent à poursuivre, avec précaution et en toute sécurité, la mise en œuvre d’une conception participative et citoyenne du projet.

L’urbanisme transitoire : une installation éphémère pour penser la ville durablement

Federal st Polka dots – (c) Bike Auckland

L’urbanisme transitoire, l’urbanisme tactique… autant de notions qui se sont révélées avec la crise du Coronavirus. Les villes françaises dessinent des pistes cyclables (pour l’instant) temporaires, afin de favoriser la pratique du vélo. Dans un tel contexte de distanciation sociale et d’incertitudes, ce moyen de transport et cette démarche exploratoire d’urbanisme apparaissent comme décisifs. Mais qu’est ce que l’urbanisme transitoire? Retour sur un interview de décembre 2019  de Ségolène Charles de l’Atelier du Lieu à Nantes (agence d’architecture et d’urbanisme spécialisée en participation citoyenne) pour le magazine La Semaine, 

Qu’est-ce que l’urbanisme transitoire ?

« L’urbanisme transitoire s’inscrit dans des enjeux d’innovation, d’invention des nouveaux modes de vie et d’habiter, à la transition écologique. A travers des terrains et des bâtiments inoccupés, il s’agit de réactiver la vie locale de façon provisoire, lorsque l’usage du site n’est pas déterminé, que le projet urbain tarde à se réaliser ou que les futurs usages imaginés nécessitent d’être testés. La transition écologique suppose de faire avec l’existant et de s’adapter à un monde en pleine évolution. »

C’est le principe du rien ne se crée, tout se transforme…

« Un de projets emblématique – les Grands Voisins à Paris – illustre l’institutionnalisation de cette pratique. A l’origine, un ancien hôpital (tiens, de quoi éveiller l’intérêt des Nancéiens), celui de Saint-Vincent-de-Paul fermé en 2012. Des milliers de mètres carrées à surveiller : Paris Batignolles aménagement et la Ville de Paris confient les clés du site à l’association Aurore Héberge qui soigne et accompagne des personnes en situation de précarité ou d’exclusion vers une insertion sociale et professionnelle. Progressivement se crée un lieu de cohabitation entre personnes hébergées, riverains, travailleurs installés sur le site, en s’appuyant sur les matériaux récupérés sur des chantiers de démolition du territoire, en partenariat avec des structures de réemploi.

Après deux “saisons” fructueuses de collaboration et d’imagination, il s’agit à présent d’initier les travaux de démolition et de réhabilitation des bâtiments : comment garder l’esprit et la dynamique d’un lieu (ressourcerie trocshop, coopérative de bien être…) et qui ont généré des emplois ? Ces occupations temporaires permettent non seulement d’éviter les phénomènes de squats, d’empêcher la dégradation d’un lieu et d’économiser les frais ce gardiennage, mais surtout de réfléchir à l’avenir d’un lieu : tester des activités et identifier des porteurs de projet. Darwin à Bordeaux, Les Grands Voisins à Paris, l’écoquartier Danube à Strasbourg, autant de projets métropolitains emblématiques. Quels que soient la taille du site, le budget et les moyens humains alloués, l’urbanisme transitoire offre une opportunité de construire la ville avec les ressources existantes. »

La piétonnisation ?

« A Héric, commune de la métropole de Nantes de moins de 6 000 habitants, ces derniers ont été invités à tester le temps d’un été des préfigurations d’un projet imaginé pour le futur du centre-bourg, la piétonnisation d’une rue pour permettre un accès plus serein aux équipements du centre-ville.

L’Atelier du Lieu a accompagné la collectivité dans cette démarche. Par un travail interactif mené avec un panel d’élus et d’habitants, chaque élément du futur plan de centre-bourg a été discuté,  argumenté et présenté aux habitants, lesquels on été invités à tester et à réagir aux expérimentations mises en œuvre pendant deux mois. La piétonnisation a été ajustée selon les usages tout en s’intégrant dans le cadre technique et urbain du plan dessiné. Une installation éphémère, pour penser la ville durablement ».

Exemple de projet urbain abordant la question de l’urbanisme transitoire

Aménagement Centre-ville de Héric

Le balcon et son habitabilité : le « droit » à un extérieur privatif

« Aurèle en scène, chanteuse nantaise pour confinés sur balcons » (c) Lola Rousseau

Dans un contexte sociétal où l’on tend à prôner la densité de l’habitat pour ralentir l’étalement urbain sur les terres agricoles, les questions du logement et du bien-vivre en ville se posent… Encore plus aujourd’hui, en ces temps de crise sanitaire. Des habitants d’immeubles collectifs sont contraints de rester confinés chez eux, dans des appartements trop petits, parfois vétustes et surtout sans espaces extérieurs. Les inégalités deviennent criantes et la question du bien vivre chez-soi apparaît comme une priorité pour nous, architectes, urbanistes et créateurs d’urbanités. Le balcon a traversé les siècles, subi les évolutions de la construction, les transformations du bâti et les modes architecturales. Il anime la rue, le bâtiment et la façade d’une manière sans égale. Cet article aborde la complexité de cet objet autant architectural qu’urbain, privé que public, intime et fragile qu’en vue à tous les regards.

Balcon, terrasse, loggia :  subtilités de définitions

Étymologiquement, le mot « balcon » est d’origine italienne : balcone. Il signifie « échafaud » au sens de l’échafaudage, lui-même dérivé de baco (poutre).Un balcon ne se définit pas par les paramètres de dimension ou de largeur comme certains auraient tendance à le croire mais bien par son système constructif. En construction, un balcon est une dalle en porte à faux, suspendue dans le vide, à la différence d’une terrasse qui est un plancher couvrant un local ou un vide sanitaire. Il est entouré d’un garde-corps et on y accède par l’intérieur dudit immeuble.

Considéré comme une surface annexe au logement, au même titre que la cave ou les combles, 50% de ces surfaces annexes rentrent dans la surface utile, ce qui lui confère un statut d’espace « à moitié habitable, à moitié annexe ».La différence principale entre la loggia et le balcon est caractérisée par son ouverture sur l’extérieur. Espace compris dans l’épaisseur de la façade, la loggia apparait comme une réelle pièce du logement située à l’air libre, à l’inverse du balcon qui reste une projection dans l’espace urbain. C’est cela qui lui confère un caractère si spécial. À la fois intime et publique, accessible depuis l’intérieur mais visible de l’extérieur, le balcon recèle des dualités et des liens avec toutes les échelles architecturales.

Du balcon de représentation au balcon d’usage, du fer au béton : vers une liberté d’expression pour le concepteur

Le balcon architectonique naît sur les façades à la période de la Renaissance. Auparavant éléments de bois rajoutés, il devient élément de support à l’art de la ferronnerie avec la pierre, comme base matérielle.  Au 17 et 18e siècles, les balcons n’étaient autorisés qu’à l’emplacement des espaces publics. Ils permettaient, par exemple, aux douaniers de surveiller les chargements et déchargements de marchandise sur le quai de la Fosse, ou aux aristocrates de profiter des spectacles sur les places publiques sans risquer de générer des incendies de part et d’autre de la rue. Essentiellement élément de composition de la façade support de l’art de la stéréotomie et de la ferronnerie, il occupait au niveau de l’usage surtout un poste de belvédère pour la surveillance ou l’appréciation de la vue.

La production de masse des logements collectifs au 19e siècle à impulsé le logement dense. La pensée moderniste associée à l’invention du béton révolutionne les modes d’habiter, plus hygiénistes et fonctionnels. Au 20e siècle, le mouvement de pensée de l’hygiénisme et celui du fonctionnalisme ont contribué à étirer les proportions du balcon pour le rendre plus utile et habitable. La plupart des immeubles construits en béton armé jusque dans les années 2000 comportent des balcons en porte-à-faux, en prolongement de dalle. Désormais, cette conception dans le neuf est pratiquement abandonnée car elle crée un pont thermique considérable, difficile à résoudre.

Aujourd’hui les règles d’urbanisme dans certaines zones se sont assouplies. Une part plus grande de liberté esthétique est accordée au concepteur. Le balcon change de forme, devient carré, losange, triangle… Désormais, le balcon est rapporté : la dalle est discontinue ce qui permet d’intégrer facilement des ruptures de pont thermique (isolation). Le principe le plus courant reste celui de la console, comparable à celui de 1764, même si elle est plus souvent en béton qu’en bois. Le balcon peut aussi être suspendu (haubanage), semi-indépendant (poteaux en saillie) voire autoportant (quatre poteaux par exemple). L’autre intérêt du balcon rapporté est de permettre de s’affranchir plus facilement des contraintes d’accessibilité aux handicapés qui impose un seuil inférieur ou égal à 2 cm : il suffit d’ajuster la hauteur des appuis par rapport à la baie.

En ce début de 21e siècle, la réalisation de logements est de première urgence. Les exigences de développement durable conduisent à des évolutions typologiques et architecturales certaines qui ont déjà commencé à se répercuter sur le dispositif du balcon.

« Le Balcon », Manet, 1869

Mode d’expression de l’architecte… et de l’habitant !

À cause des effets de normalisation des plans intérieurs des logements collectifs (normes PMR, surfaces imposées par les bailleurs…), la façade est devenue le mode d’expression de l’architecte dans le secteur de la construction des logements collectifs. Or, le balcon associé à la fenêtre compose cette façade. Il est un élément caractéristique du logement collectif. Il devient ainsi instrument à la créativité conceptuelle, mais il est aussi celui de l’expression personnelle des habitants eux-mêmes. Sa situation d’espace privé projeté dans l’espace public lui procure une force de pièce intérieure extériorisée, libre d’appropriation et donc sujette à la représentation de l’identité de l’habitant. En ces temps de confinement, il devient même l’unique lien avec l’espace de la rue, celui depuis lequel on peut discuter (en réel, sans téléphone ni Visio) avec une personne passant dans la rue, chanter ou jouer de loin avec ses voisins ou tout simplement prendre l’air et profiter des premiers rayons de soleil du printemps…

« Blindtest entre voisins, lors du confinement ». Nantes. (C) M. Charles

 » Tyrolienne de fortune, de balcon à balcon.. pendant le confinement ». (c) M.Charles

À chacun son balcon « hybride » : vie de quartier dans l’ensemble de logements « Habiter les quais 1 » 

En 2014, nous sommes allées à la rencontre des résidents et des architectes parisiens ANMA et nous avons observé la « vie des balcons » sur les immeubles « Habiter les quais 1 », à Nantes. Leur atout premier est leur forme. Elle peut paraître banale (un rectangle) mais elle est accrochée de manière innovante techniquement : depuis l’angle. En plus d’offrir trois orientations et une continuité depuis l’intérieur, ce balcon propose « un coin » de plus que s’il avait été lié parallèlement à la façade. « Les coins », ce sont les endroits de l’espace où on entrepose, contre lesquels on s’appuie et que l’on s’approprie facilement.

Leur second atout, c’est la « continuité », le « prolongement depuis l’intérieur » dont les habitants font état dans chaque interview. Le point noir de l’ambiance de cet espace, comme le soulèvent certains de ces habitants, est l’exposition au vent. Certains pensent que la situation serait remédiable par l’ajout d’un second pan de panneaux métalliques. D’autres tentent des solutions de fortune, comme Julia qui pose des couettes sur la rambarde. « Habiter les quais 1 » est un immeuble qui permet d’habiter non seulement les quais, mais surtout son balcon.

« Photos et Collage conceptuel suite aux interviews.Balcons de « Habiter les quais I . (c) Colette Lebourdonnec

Cet espace est le dénominateur commun qui relie tous les appartements de tailles différentes entre eux : le T1 de l’étudiante aura le même balcon que le T5 du gestionnaire propriétaire. Si on retrouve des usages similaires (réception et jardinage), les usages ne se cumulent pas de la même manière. C’est justement cela qui rend le dispositif intéressant, c’est sa capacité à être approprié différemment. Ici, on s’aperçoit quand même que les codes culturels et le fort vis-à-vis obligent d’une certaine manière à prendre soin de l’image de cet espace : on n’étend pas le linge par pudeur, on n’entrepose pas les objets par peur du fouillis. « L’habitat est la scène privilégiée sur laquelle se joue et s’exprime l’identité multiforme de chaque individu, scène qu’il a plus ou moins choisi[1] ». Le balcon est ici poussé sur le devant de la scène, avec une improvisation déjà envisagée. Au final, ce grand espace extérieur, suspendu dans et au-dessus des arbres, situé en plein centre-ville, avec un dispositif permettant d’occulter ou d’ouvrir son balcon sur l’extérieur… « C’est un peu l’appartement du futur », comme le souligne un habitant

Le droit à l’extérieur privatif : forme, fonction et appropriation

On le comprend donc bien : la forme, la fonction, et l’appropriation du balcon forment un triptyque de notions rattachées à la conception de cet espace.Le balcon, ainsi que n’importe quel espace extérieur privatif, est encore vu parfois comme un confort, alors que c’est une réelle nécessité. C’est ce qui rend la vie « dense », supportable. Or, malgré nos demandes, les maîtrises d’ouvrage intègrent encore trop peu la nécessité de l’ajout de balcons sur les opérations de rénovation d’immeubles collectifs. Pour les bailleurs et autres maîtrises d’ouvrages, l’usage justifie rarement l’investissement économique. Parfois, l’argument de la mise en scène urbaine arrive à prévaloir devant celui de l’usage : cela nous permet d’offrir alors des balcons supplémentaires, mais uniquement là où les façades sont les mieux exposées. Le balcon n’est malheureusement pas généralisé à tous les logements.

Du côté des projets de logements collectifs neufs, nous devons encore « batailler » pour proposer des espaces extérieurs qualitatifs, confortables ayant une qualité d’usage. Ces espaces ne sont pas considérés comme rentables et ne sont pas encore la priorité des décideurs. À l’Atelier du Lieu, le « droit à l’espace extérieur privatif » nous apparait comme une lutte architecturale centrale. Et celle-ci prend d’autant plus son sens avec la crise que nous traversons.

Article écrit par :

Colette Le Bourdonnec, Architecte – Atelier du Lieu Nantes à partir de son mémoire de Master en Architecture, 2014.

[1] BONETTI Michel, « Habiter le bricolage imaginaire de l’espace ». Ed EPI. 1994

Exemple de projet où la question du balcon a été travaillée avec la Maîtrise d’ouvrage

« Les outils numériques de participation du public sont là : l’enjeu sera que chacun puisse se les approprier »

Quelles sont les recettes d’une concertation qui fonctionne ? Chargée de projet en urbanisme et concertation à l’Atelier du lieu, Ségolène Charles a étudié la mise en place de dispositifs participatifs dans des petites villes, en pleine montée en puissance de l’échelon intercommunal. Dans sa thèse réalisée dans le cadre d’une convention industrielle de formation par la recherche (Cifre)*, elle s’interroge sur la place du citoyen dans la mise en oeuvre du projet urbain lors de ce transfert de compétences. Elle revient sur les résultats de ses recherches mais aussi sur les perspectives pour organiser des dispositifs de participation du public une fois le confinement levé.

c’est déjà compliqué de donner la parole à tous lors de réunions physiques, alors virtuellement, avec les difficultés techniques que cela induit et surtout les inégalités concernant la maîtrise de ces outils (ou même leur possession), cela risque d’être encore plus complexe

Certaines de nos missions sont actuellement suspendues, car nous dépendons beaucoup de la commande publique. Mais nous réfléchissons à la mise en place d’outils numériques afin de pouvoir maintenir des dispositifs de participation du public en période de déconfinement. Dans le cadre d’un projet concernant la programmation d’un bâtiment de santé, par exemple, l’Atelier du Lieu doit échanger avec les 40 professionnels de la structure. La rencontre devait se dérouler sur site, mais bien évidemment, c’est impossible dans le contexte actuel, et il est envisagé d’organiser une réunion de travail virtuelle – une personne de notre agence irait alors filmer le bâtiment en question. Nous avons déjà effectué une telle démarche – il nous est même déjà arrivé de travailler avec des casques de réalité virtuelle pour une collectivité – et celle-ci s’est avérée intéressante malgré ces limites : on retranscrit le son et la vue, mais quid du toucher, des odeurs, des sensations ?

Nous ne pouvons pas nous contenter de conférences sur Zoom. Nous sommes en train de nous emparer d’outils collaboratifs numériques tels que Klaxoon, Mindmeister (pour créer des « cartes mentales » en ligne), Mural ou Slido (pour les questionnaires) afin de proposer des ateliers participatifs adaptés au contexte, au regard de cette situation complexe mais aussi source d’innovations. Ce n’est pas une évidence : c’est déjà compliqué de donner la parole à tous lors de réunions physiques, alors virtuellement, avec les difficultés techniques que cela induit et surtout les inégalités concernant la maîtrise de ces outils (ou même leur possession), cela risque d’être encore plus complexe. Mais c’est aussi l’opportunité pour nous de prendre la question du numérique à bras le corps. Car les outils sont nombreux, riches : l’enjeu sera de faire en sorte que chacun puisse se les approprier afin de ne pas exclure une frange de la population du processus, tout en s’assurant que les outils que nous employons sont sécurisés et protègent les données personnelles de leurs utilisateurs.

Exemple d’utilisation d’outils numériques dans un projet participatif

Le maire, l’architecte-urbaniste et le citoyen. La petite ville, terreau d’expérimentations avec les habitants

À la veille des municipales, nombreuses sont les grandes villes à avoir mis la participation au cœur des programmes. Loin des métropoles, les élus de petites villes font face à d’autres enjeux, entre perte de compétences et manque de moyens humains et financiers. Une opportunité pour les professionnels du projet urbain, qui ont toute leur place à jouer pour proposer des méthodes plus collectives !

Par leur responsabilité dans l’élaboration des documents d’urbanisme et les dépôts de permis de construire, les élus locaux jouent un rôle majeur dans les schémas d’acteurs du projet urbain, même s’ils confient parfois l’aménagement technique de certaines opérations à des Sociétés d’Économie Mixtes (SEM) ou à des sociétés privées. Dans les petites villes, commanditaires du projet urbain, les élus constituent des maîtrises d’ouvrages « occasionnelles » (Mariolle et De Gravelaine, 2001) par rapport à des maîtrises d’ouvrages professionnelles « expérimentées et organisées » des grands centres urbains. Les compétences qu’ils doivent mobiliser sont plurielles et d’autant plus spécifiques que le projet urbain implique les habitants, pratique assez exceptionnelle jusqu’au début des années 2000.

 Repenser le rôle de l’élu dans un cadre législatif de plus en plus contraint

Réaliser un projet urbain participatif ne va pas toujours de soi pour les élus locaux de petite ville : il est nécessaire de repenser leurs rôles, dans un cadre législatif de plus en plus incitatif à l’égard de la participation citoyenne. Or, dans un contexte d’affaiblissement de leurs moyens humains, financiers et de transfert de compétences vers des échelons supérieurs, il semble que les élus laissent une plus grande autonomie d’ingénierie de projet aux technostructures intercommunales, mais aussi aux consultants telles que les agences d’architecture et d’urbanisme.

À partir de l’expérience de l’agence d’architecture et d’urbanisme nantaise « Atelier du Lieu » (spécialisée en participation citoyenne), notre thèse1 a cherché à comprendre comment le projet urbain était préparé, porté par l’élu de petite ville, tout en analysant la place qu’y prenaient les habitants. Notre posture, en situation de participation observante2 comme architecte-urbaniste, nous a permis de nous immerger à la fois dans le dispositif participatif et au cœur du projet urbain.

 

Au cœur du développement durable, un nouveau souffle pour la participation citoyenne

La notion de participation citoyenne en urbanisme, émerge en France dans le cadre des « luttes urbaines » des années 1960-1970 (Bacqué et Gauthier 2011), mais connaît un essoufflement pendant les deux décennies suivantes (Paoletti 2007). Les mouvements d’initiatives locales se délitent avec le départ des couches moyennes des « nouveaux quartiers » périphériques, et la « notabilisation » des leaders associatifs ; la politique de décentralisation instaurant une « démocratie de proximité » signe le renoncement de la gauche à revendiquer un système politique plus participatif (Bacqué et al. 2005 ; Hatzfeld 2011). Avec la montée en puissance des enjeux de développement durable, la question de la place du citoyen-habitant dans l’aménagement connaît un regain d’intérêt à partir des années 2000, qui se traduit par la mise en œuvre d’un ensemble de textes réglementaires préconisant le développement de telles démarches en amont des projets urbains3.

Parallèlement et de ce fait, l’activité scientifique et les projets autour de cette question trouvent un nouvel essor4. Ce regain d’intérêt pour la participation citoyenne dans la communauté scientifique et chez les professionnels de l’urbanisme reflète un besoin de compréhension, voire d’accompagnement, d’un phénomène en cours. Or, malgré la prolifération de thématiques, d’objets et d’acteurs étudiés, on constate actuellement que l’élu local de petite ville reste une figure bien peu étudiée par les recherches sur l’urbanisme participatif. Notre point de vue, au cœur du processus de projet, nous a permis de comprendre les opportunités et les difficultés auxquelles l’élu de petite ville et le consultant sont confrontés.

Le « Bricolage des petites villes »5 : la faible structuration des services techniques et le manque de formation des élus

La mise en œuvre de projets urbains participatifs est confrontée à divers types d’obstacles , liés notamment à une posture relativement méfiante du maire et de sa garde rapprochée (le DGS, son adjoint à l’urbanisme), à l’égard de toute disposition pouvant leur donner le sentiment qu’ils ne sont plus totalement maîtres de la décision. D’autre part, le cadre réglementaire incitatif assez large de l’article 7 de la charte de l’Environnement, qui préconise la participation des citoyens à l’élaboration des décisions qui ont une incidence sur leur cadre de vie, reste peu connu et peu appliqué. « Le bricolage des petites villes », évoqué par Hélène Mainet (2011) à propos du marketing territorial, peut s’appliquer à l’ingénierie de la concertation et du projet urbain6. Les services techniques très généralistes sont peu structurés à l’échelon communal et peu formés aux questions de participation citoyenne ou de processus de projet. Les élus de petite ville éprouvent, par ailleurs, des difficultés à élaborer leur commande vis-à-vis de leurs prestataires : identifier les compétences nécessaires selon la nature du projet et son niveau d’avancement, ou encore définir le type de mission à accorder.

>L’article complet en accès gratuit

sur la revue Sur-Mesure<

Élus de petite ville et participation citoyenne : un mandat municipal pas comme les autres

Avec l’évolution de la législation et la multiplication des initiatives citoyennes, la participation devient progressivement un passage obligatoire dans le parcours de l’élu local. Mais il l’exerce dans un contexte contemporain de crise de légitimité du politique, alors qu’il a peu été habitué à impliquer les citoyens à l’élaboration des décisions, du fait de codes de l’exercice du pouvoir très marqués par la verticalité.

La mise en place de démarches participatives suppose donc pour nombre d’élus et de techniciens de petites villes (entre 3 000 et 20 000 habitants) qui les accompagnent, d’opérer un « changement de paradigme » (Zetlaoui-Léger et al., 2015) vis-à-vis de la culture politique et professionnelle dont ils ont héritée. Or, le mandat 2014-2020 a fait l’objet d’un grand chamboulement pour les élus municipaux et en particulier ceux de petites villes peu préparés au confortement de l’échelon intercommunal.

Le mandat 2014-2020 : une épreuve pour les élus de petites villes

L’élu local est aujourd’hui confronté à des enjeux multiples (diversification et complexification des enjeux à aborder, multiplication des échelons de décision, baisses des dotations…) qui dépassent bien souvent ses compétences et les moyens dont il dispose. Dans un contexte de « petite ville »[2], l’élu local se retrouve d’autant plus déstabilisé, voire démuni, que ses moyens humains et financiers sont particulièrement réduits et souvent mis en comparaison avec ceux des plus grandes collectivités comme le décrit l’architecte Frédéric Bonnet : « des millions d’euros dépensés pour le « Grand Paris » quand il en faut à peine vingt mille pour décider de dix ans de développement d’une commune rurale ».

Notre travail de thèse[3] témoigne d’une période de transition particulièrement éprouvante durant la mandature 2014-2020.La majorité des élus municipaux ne semble pas avoir mesuré le poids de l’intercommunalité et les changements à venir : malgré leur souhait de faire vivre une démocratie de proximité et de pallier les difficultés de leur commune, le développement de l’intercommunalité conduit à réinterroger leur place.Au cours de l’année 2018, leur découragement à exercer leur mandat a fait « la une de l’actualité » : la baisse de la Dotation Globale de Fonctionnement (DGF) les révolte, voire amène un nombre significatif d’entre eux à ne plus souhaiter poursuivre leur charge.

En analysant des situations de projet urbain participatifs, nous avons découvert des figures d’élus plurielles face à la participation mais aussi une différence notoire entre les anciens élus et les nouvelles générations de service techniques. Malgré l’opacification de la décision, l’échelon intercommunal apparaît alors comme un levier potentiel pour permettre la mise en œuvre de dispositif participatif dans des contextes de petites villes.

Un manque de formation et beaucoup d’incertitudes

À l’échelle nationale, le sociologue Michel Koebel dénonçait, au milieu des années 2000, une certaine « Confusion des genres » chez les politiques : il citait, entre autres, Claude Allègre évoquant en 2006 la « démocratie directe » alors qu’il faisait allusion…à la retransmission télévisée du Conseil des ministres. Nous avons pu constater les mêmes approximations langagières mais aussi des décalages chez les élus locaux entre les discours et les actes.À plusieurs reprises, lors de nos entretiens, les élus ont employé des mots tels que « coproduction » ou « participation » pour des situations dans lesquelles les habitants n’ont, en fait, pas été impliqués. Les élus de petite ville rencontrés dans le cadre de nos travaux de recherche, ont intégré une dimension participative à leur projet urbain en recherchant surtout une forme de « paix sociale », ou pour répondre à des obligations réglementaires.

Bien que l’article L103-2, créé par l’ordonnance n’°2015-1174, préconise une concertation pour des projets urbains ayant une incidence sur l’environnement, la « concertation », et l’explicitation des décisions que demande l’article 120-1 du Code de l’Environnement, ne vont pas de soi. Améliorer les qualités d’usages, d’appropriation, ou mieux envisager les réponses à apporter en termes de conception ne semble pas, pour les élus locaux, des raisons suffisantes pour mettre en œuvre un dispositif participatif. Ils n’appréhendent pas la participation comme un enjeu fondamental, mais comme un « plus ». Cette situation se trouve renforcée par leur accès à la formation relativement limité[4], pour des raisons de coût, ou liées à leur faible disponibilité (60% d’entre eux exercent un métier parallèlement) mais aussi à l’image qu’ils estiment devoir renvoyer à leurs administrés, celle d’un maire « omniscient ».

Enfin, l’élu de petite ville est freiné par le rapport que le personnel politique entretient avec l’incertitude. Tous les élus que nous avons rencontrés craignent, à travers la participation, de sortir des sentiers battus et de prendre des risques d’ordre juridique ou pénal.

En effet, selon les premiers résultats d’une consultation générale organisée auprès d’élus locaux (Gatel & Kerrouche, 2018), ce type de risque figure en troisième position des difficultés qu’ils avancent le plus fréquemment pour expliquer une « crise des vocations ». En outre, les élus, notamment locaux, exercent leurs fonctions au sein d’un enchevêtrement de textes législatifs et réglementaires, sur des sujets aussi techniques que le droit de l’environnement ou des données personnelles, qu’ils sont censés maîtriser. Ainsi, l’incertitude générée par le dispositif participatif, perçue comme une source de risques, ne peut être assumée que par le maire, un adjoint ou éventuellement le Directeur Général des Services (DGS) qui incarnent le pouvoir local. Les services techniques envisagent, en effet, difficilement de les assumer à la place du politique ou de sa « garde rapprochée ». Or, à l’échelon intercommunal, l’élu municipal perd une partie de son pouvoir au profit d’une technostructure, comme l’explique ce DGS vis-à-vis du président éprouvant des difficultés à suivre les dossiers à l’échelon intercommunal : « L’élu, il ne connaît pas suffisamment ses sujets. Il est petit à petit dépossédé de son rôle : le rôle de représentation et le travail devient de plus en plus technique ». On peut alors s’interroger sur la capacité à prendre des risques et donc à innover dans ce nouveau contexte, sans la présence du responsable politique et/ou de ses proches (adjoints, DGS).

Une thèse au sein de l’Atelier du Lieu : « l’élu, le citoyen et le praticien. Chroniques urbaines. L’expérience du projet urbain participatif dans les petites villes »

Cet article fait la synthèse des principaux enseignements de la thèse soutenue le 15 janvier 2020 par Ségolène Charles, intitulée « L’élu, le citoyen et le praticien.Chroniques urbaines. L’expérience du projet urbain participatif dans les petites villes », sous la direction scientifque de Jodelle Zetlaoui-Léger et de Loïc Blondiaux ainsi que sous la direction professionnelle de Nolwenn Dulieu.

Résumé de la thèse :

Dans un contexte national de transfert des compétences à l’échelon intercommunal, de diminution de leurs ressources et d’affaiblissement de leurs prérogatives réglementaires, les élus locaux de petites villes et leurs services techniques sont confrontés à des enjeux qui dépassent bien souvent leurs compétences et les moyens dont ils disposent. Or, la mise en œuvre d’un projet urbain participatif suppose d’opérer un changement de paradigme vis-à-vis des cultures politiques et professionnelles dont ils ont hérité. Elle rend manifestement nécessaire de repenser leurs rôles et leurs modalités d’intervention.

À partir de l’expérience d’une agence d’architecture et d’urbanisme, cette thèse analyse la place et les modalités d’action de l’élu comme « Maître d’Ouvrage occasionnel » dans le cadre de projets urbains organisés avec des ambitions participatives importantes et inhabituelles pour la collectivité.

Basée sur trois études de cas, elle décrit et interprète les difficultés conjointement rencontrées par la petite ville et la structure qui l’accompagne. En s’appuyant sur une démarche de « participation observante » et sur la Théorie de la Régulation Sociale, cette recherche examine les conflits et négociations au sein du système d’acteurs du projet urbain dans lequel gravite l’élu local.

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sur la revue Horizons Publics <

L’Hôtel de Ville de Vertou : un programme mené au féminin

Assez rare pour être souligné, c’est une équipe majoritairement féminine qui dirige les travaux du nouvel accueil de l’Hôtel de Ville. Deux femmes architectes, une pilote de travaux, une chargée d’opération ; deux femmes au bureau de contrôle et au bureau d’études, une designer… Mais non vous ne rêvez pas, les travaux du nouvel accueil de l’Hôtel de Ville et de la salle de réception sont menés par une équipe féminine. Un hasard qui tombe bien à la veille de la présentation du rapport égalité femme-homme au conseil municipal de décembre. Rencontre avec quatre d’entre elles qui portent haut les bottes et le casque de chantier.

L’architecture n’est ni homme ni femme, il s’agit de la création d’un cadre de vie pour tous

Cela fait quoi d’être dans une équipe féminine ?

Emmanuelle (pilote des travaux) : Nous ne sommes pas une équipe 100 % féminine, mais nous sommes des femmes à des postes où l’on ne s’y attend pas forcément. On pourrait penser que par rapport à la gestion des travaux, c’est plutôt un collectif uniquement masculin et là clairement les femmes sont vraiment
bien représentées.
Nolwenn Dulieu (architecte) : En 15 ans de métier, cela doit être la troisième fois que cela m’arrive et c’est très agréable ! J’espère que cela va devenir plus fréquent. De plus en plus de femmes sont formées à l’architecture, en revanche beaucoup de patrons d’agence sont des hommes. Aujourd’hui, à l’Atelier du Lieu, nous avons plus de femmes que d’hommes, mais nous essayons de trouver le bon équilibre.
Colette Le Bourdonnec (architecte) : Cela change le regard sur le projet, sur toutes les questions des usages. Sur les chantiers cela permet d’apaiser les tensions. L’idéal est d’être un binôme femme-homme pour aller assez loin dans la conception.

Est-ce qu’on peut parler d’architecture féminine ?

Colette Le Bourdonnec : C’est une remarque que l’on m’a fait sur le projet de Vertou aux courbes et formes tout en rondeur pouvant paraître assez féminines. Pourtant les grands architectes travaillant les formes courbes comme Franck Gehry sont des hommes, mis à part Zaha Hadid, la première femme architecte
à recevoir le prix Pritzker (considéré comme le « prix Nobel » de l’architecture) qui a travaillé sur le déconstructivisme et a réalisé, entre autres, des bâtiments avec des courbes.
Nolwenn Dulieu : L’architecture n’est ni homme ni femme, il s’agit de la création d’un cadre de vie pour tous.
Myriam (chargée des opérations) : Sur le choix de deux femmesarchitectes ? Il n’y a pas d’attribution sexuée, c’est une mise en concurrence ! C’est le projet qui plaît le plus qui est retenu !
Emmanuelle : Sur les 2 propositions faites par l’Atelier du Lieu, la première était très géométrique, plus facile à réaliser. Mais finalement c’est une architecture plus ronde, plus douce qui a été retenue. Mais je ne pense pas qu’il y ait un rapport avec la féminité, il s’agit davantage d’une tendance architecturale et de correspondre à l’identité du territoire : un territoire apaisant et inspirant.

C’est compliqué d’être une femme sur un chantier ?

Myriam : Il faut faire ses preuves ! Mais quand techniquement on sait de quoi on parle, c’est plus simple. Être une femme a aussi des avantages, quand il y a conflit généralement les hommes se calment plus vite. Le relationnel n’est pas le même. Désormais, les mentalités changent sur les chantiers.Ce que je préfère c’est un duo homme-femme qui se complète énormément.

Colette Le Bourdonnec : Je rejoins Myriam. Une femme sur le chantier va être plus dans le dialogue moins dans le conflit. En revanche, on va être davantage testée, mais dès que l’on maitrise le vocabulaire et la technique, tout se déroule bien.

Emmanuelle : Assez naturellement je me suis positionnée sur le volet technique parce que cela m’intéresse. J’ai appris le vocabulaire technique, je suis incollable sur l’échantignole (une cale triangulaire clouée sur un arbalétrier destinée à maintenir les pannes de la charpente, NDLR)! Être une femme n’est plus un critère qui joue en notre défaveur.