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Développement de Nantes : faire de la Loire un acteur économique majeur et vivant

La question de la gouvernance et des démarches de concertation sont un des éléments clés pour la gestion des territoires de demain. Ce type de démarche innovante peut être mis en œuvre sur les grandes problématiques que sont le climat ou les risques ; mais également plus localement sur les questions d’identité, ou plus concrètement pour les aménagements ou la construction d’équipements. Remettre en lien l’usager, l’expert et le politique permettrait de penser les lieux tant au niveau stratégique que concret, en s’appuyant sur les réalités des sites et une vision globale.

Cette contribution des Cobatystes pour le grand débat « Nantes, La Loire, et Nous » a été prise en compte et a permis de nourrir les préconisations de Nantes Métropole.

Nantes a développé les spectacles de rues, pourquoi pas les développer sur la Loire ?

La Loire, symbole de l’agglomération

En 2012, la Métropole nantaise se lance dans une démarche participative : «  Ma ville demain ». Il en ressort que la Loire est perçue comme le premier symbole de l’agglomération avec une forte attente de diversification des usages du fleuve. La Métropole prend l’initiative d’approfondir ce thème et mandate le Conseil de développement pour « faire des propositions sur la nature et les modalités du débat public concernant la question de la mobilité urbaine et des franchissements de la Loire ». C’est ainsi qu’est lancé un grand débat ouvert à tous : « Nantes, la Loire et nous ».

Quatre thèmes sont identifiés : Loire des pratiques et des usages ; Loire, espace économique, espace écologique ; Loire, mobilité et franchissements ; Loire, cœur métropolitain, attractivité et qualité urbaine.Plusieurs modes d’expression sont mis en place. Pour les citoyens, il était possible de poster des contributions (vidéo, texte, photo), de twitter, de se regrouper dans un comité citoyen… Les associations, les collectifs, les entreprises ou les collectivités pouvaient remplir des cahiers d’acteurs et intervenir dans des séminaires. Les experts et les entrepreneurs, choisis par la commission du débat, pouvaient être audités publiquement.

Le représentant de Cobaty Nantes Atlantique au Conseil de développement a constitué un groupe de travail pour apporter une contribution. Le groupe a ainsi été présenté en mars 2015 au CCO (Centre de communication de l’Ouest) Tour Bretagne (Nantes). « Dans le cadre du Conseil de développement, une audition spéciale d’un groupe de jeunes urbanistes cobatystes est proposée à la fois au public et à la Commission du débat. Appelé « Loire en scène », ce projet souhaite « décoiffer » en réinventant la Loire… pour en faire un lieu de vie du XXIème siècle.

Bousculant les idées reçues, ce projet mérite le détour (source : Le Journal – Le Grand Débat – http://www.nanteslaloireetnous.fr).

Les FluXviales ou la création de « hubs » de transports

La Loire dans son histoire a été un lieu de forte circulation fluviale, tout en étant une barrière dans les liaisons terrestres Nord-Sud. Aujourd’hui Nantes/Saint Nazaire continue d’être le support de liaisons, notamment pour le port ; mais à l’intérieur de Nantes et vers l’amont, la navigation est quasi inexistante.Physiquement, la création du périphérique et de ponts a bouleversé le trafic et fait devenir la Loire moins problématique : pont de Cheviré, doublement du pont de Bellevue, création de la passerelle Schoelcher et des ponts Eric Tabarly et Léopold Sédar Senghor. Néanmoins, on voit aujourd’hui les limites de ces options avec un transport routier chargé, tandis que les autres modes viennent presque systématiquement buter sur la Loire : liaisons cyclables, liaisons piétonnes, tramway, bus… La création de nouveaux ponts ou tunnels ne viendrait pas résoudre la difficulté.

Pourquoi ne pas reconnecter tous les flux (routiers, piétons, tramway, vélos) sur la Loire ? Ce fleuve peut devenir un formidable vecteur du réseau.L’idée de « Connecting la Loire » permettrait de retisser les connexions Est-Ouest, tout en restructurant le centre-ville et reliant de manière inédite les rives Nord et Sud. La vie et les usages pourraient se prolonger au quotidien de part et d’autre des rives.« Connecting la Loire » peut se décliner tout d’abord avec la création d’un maillage fluvial que nous nommons Aquabus. Les stations des navettes devront alors être situées dans le prolongement des stations de bus ou de tramway et permettront ainsi de créer des « hubs » de mobilité. Ces « hubs » marqueront des repères dans la ville et pourront accueillir des équipements tels que stations vélos, points de collecte de colis internet…Certains « hubs » pourront être couplés avec des « bluering » dont le principe est en surface un port fluvial et en immergé un silo de stationnement de voitures. Ainsi, les activités nautiques seraient en lien avec les maillages. Ce maillage de « hubs » sera large en extérieur de l’agglomération et se resserrera pour devenir très fin en cœur de Métropole.Ce dispositif permettrait de retrouver la pénétrante naturelle au cœur de Nantes, tout en ne mobilisant pas de foncier et en restant réaliste. Il a en effet été mis en place dans d’autres agglomérations, comme Londres.

Rapprocher les rives pour mieux échanger entre les quartiers

Dans la Métropole, la distance varie entre les rives, en se resserrant dans le centre historique. Néanmoins, la Loire y constitue toujours une frontière, un espace difficilement franchissable à moins d’utiliser les ponts souvent peu agréables pour les piétons et vélos.

En complément des navettes et des « hubs », l’idée est de prolonger le rapprochement des rives tant physiquement que visuellement. Pour éviter le problème de marnage, de l’ordre de 3,5m, sans pour autant complexifier la conception des structures, les barges seraient pensées comme des éléments indépendants, amarrées sur des ducs-d’Albe ou encrées. Le but est de créer des liens physiques et des échanges entre les quartiers. Dans ce sens, les éléments flottants, constitués d’éléments modulaires, pourraient venir s’accoler, se dissocier et être déplacés sur la Loire. Ils pourraient former des villages fluviaux pour créer des liens entre les quartiers et reconnecter ainsi les rives entre elles. La Loire deviendrait ainsi un véritable support d’usages.

Nantes a développé les spectacles de rues, pourquoi pas les développer sur la Loire ? Lors d’événements festifs organisés par la Métropole ou par les quartiers, les barges pourraient servir de plateforme événementielle supplémentaire en étant amarrées à quai. Ces nouveaux lieux pourraient être investis comme les places publiques. Des spectacles sur l’eau, cinémas de plein air… pourraient s’y installer, en offrant une capacité modulaire mais également une visibilité plus importante. D’autres usages, très vite transformables et adaptables, y seraient envisageables : jeux d’enfants, bassins de baignade, potagers, jardins flottants…Ces barges offriraient une respiration dans le tissu des centres villes denses, créant des espaces partagés pour les habitants, un support d’urbanité.

Les embarcadères pourront participer au développement de ces liens, mais aussi se prolonger sur l’eau et générer des espaces d’activités puisqu’ils qu’ils seraient accessibles par aquabus.La logistique et le fret ont également leur place sur la Loire : « pluggés » sur les « hubs » que ce soit pour le circuit court avec les maraîchers ou le transport de colis internet, des services de navettes peuvent se développer.Les structures flottantes pourront être réalisées avec des matériaux recyclés pour entrer dans un processus environnemental ou d’éco-construction.Rapprocher les rives, ce n’est pas rapprocher une rive à l’autre mais rapprocher les quartiers les uns aux autres.En complément des lieux sur l’eau, il faut repenser les liaisons. La ville va s’étendre vers le sud et le nord. Le tissage est donc essentiel et se matérialisera notamment par la création de liaisons (pas forcément des ponts) douces (vélos/piétons) entrelacées, en amenant un côté ludique et agréable absent aujourd’hui.

 Des liaisons vertes complétées par une « Green Line »

La ville de Nantes et l’agglomération ont su, à travers leurs histoires, préserver un de leurs atouts majeurs de leur paysage : les liaisons vertes en cœur de l’agglomération le long des rivières (Erdre, Sèvre, Chézine…) et du fleuve (Loire), pour le plaisir de ses habitants et des touristes.

Sur la Loire, les deux rives présentent des visages différents.

  • La rive sud, bien qu’aménagée récemment, a su conserver son côté naturel et sauvage dans sa partie Est. La relation avec son affluant, la Sèvre, tout comme le prolongement de l’aménagement de la « ZAC des îles », sont dans les projets de Nantes Métropole.
  • La rive nord présente une urbanisation plus ancienne et plus minérale. Les aménagements récents sur la partie Est (depuis les prairies de Mauves jusqu’au Mémorial de l’esclavage), sous couvert de mise en place de liaisons douces, ont réintroduit le thème du végétal dans la ville. Il faut espérer que cet aménagement sera prolongé sur les quais de la Fosse et du Bas-Chantenay. Ainsi les deux rives de la Métropole vont, à terme, posséder des structurations végétales.

Au cœur de la Loire, sur l’île de Nantes, l’urbaniste Marcel Smets a réinterrogé ce langage végétal pour donner à lire cette île complexe, formée en fait de plusieurs îles. Il a mis en place des grands maillages qui viennent sur les grands boulevards de manière traditionnelle mais néanmoins permettent de relier les points entre eux et de rendre lisibles les grandes structurations.Notre proposition serait de poursuivre ce travail de liaisons en installant une ligne verte, une « Green Line ». Elle viendrait en complément et ne serait plus uniquement le long des rivières et des fleuves, ni uniquement sur l’île de Nantes, mais pensée comme transversale. Elle démarrerait de la ville du XVIIIe siècle jusqu’à la ville de demain, dans une séquence qui raconte l’histoire de la ville et serait un support de parcours touristiques.

La « Green Line » aurait trois séquences.

  • La première débuterait sur la place Graslin, puis emprunterait le cours Cambronne, la rue Maurice Sibille, en réinterrogeant la place du Commandant de l’Herminier pour aboutir sur le Quai de la Fosse.
  • La seconde séquence serait celle de la ville d’aujourd’hui avec la Prairie-au-Duc, son histoire des chantiers navals, puis le secteur où se trouvent La Fabrique, le quartier de la création ainsi que le futur parc du Finistère et le CHU.
  • Un nouveau franchissement serait à créer ou à aménager pour arriver dans la troisième séquence : la ville de demain (« ZAC des îles ») du côté de Rezé.

Cette « Green Line » permettrait de travailler sur les continuités vertes, la faune et les flores mais également sur les modes doux.

Les franchissements comme support de sociabilité

La « Green Line » semble évident dans son positionnement mais interroge sur ce qu’est un franchissement.Les franchissements doivent continuer à inciter le parcours. Les structures existantes peuvent être dédoublées entièrement ou partiellement, accompagnées de nouvelles  structures, ou réaménagées, agrandies…Les franchissements doivent être support de sociabilité, avec des lieux permettant des usages autres que ceux liés aux déplacements classiques, comme par exemple avec des petits amphithéâtres (ex. : quais de Seine à Paris avec leurs danseurs de tango et de bourrée).

Ils peuvent être des supports de construction avec différents programmes : pour des équipements publics, des lieux de travail, d’échanges en lien avec les barges, les navettes, les îlots, mais également en lien avec le fret mis en place sur l’eau.Ces ponts peuvent également être habités et offrir des points de vue inédits sur la Loire. Leur forme peut être légère, suspendue, en forme d’arc-en-ciel, innovante avec des typologies de logements où l’on retrouve de la mixité sociale, intergénérationnelle, voire des démarches d’habitats participatifs.Ainsi, les ponts pourraient devenir des lieux d’habitation ou de travail et être un lien végétal. Ils devraient prolonger de manière naturelle les trames vertes, en étant arborés et plantés de manières différentes.

La « Green Line » doit être lisible dans le territoire, être support d’identité. Elle doit également avoir une échelle liée à l’homme pour qu’il se sente à l’aise dans ces grands espaces.

Quatre idées pour rendre la Loire attractive

Outre la « Green Line », l’attractivité de la Loire est envisagée par l’implantation d’éléments bâtis à la fois forts et structurants dans sa composante touristique.

Depuis 25 ans, un très beau travail a été fait pour l’attractivité de la Métropole avec des projets phares comme  la rénovation du Château de Nantes ou Les Machines de l’île. Chacun est fréquenté par 450 000 visiteurs/an. Le Voyage à Nantes a également permis d’attirer, de fédérer et d’inventer une nouvelle attractivité.

Notre proposition s’inscrit en continuité avec quatre nouvelles idées :

  • Relancer les croisières : en s’appuyant sur les savoir-faire nantais, avec le port autonome, les pilotes, et sur l’histoire, il y a un fort potentiel à valoriser.

Ainsi, les villes de Bordeaux ou du Havre sont devenues des escales pour les bateaux de croisière. En 2013, le Havre a accueilli 121 escales, soit 246 000 passagers et environ 90 000 personnels, ce qui représente une véritable manne pour les activités connexes et les commerces.La Métropole Nantaise pourrait tirer profit de ces expériences pour nourrir son territoire en s’appuyant sur le Quai Wilson qui aujourd’hui reçoit déjà quelques croisières mais qui pourrait se développer.Ce quai est connecté au centre historique et au Château mais également à l’île de Nantes et son éléphant.

  • Créer un élément fort, une sorte de signal. Une vibration architecturale forte en bout de l’île et qui se verrait depuis l’estuaire. Au sommet de ce signal, l’océan serait visible. Cet ouvrage à penser comme une œuvre d’art, tel que celui réalisé à Miami, offrirait un belvédère.L’utilisation de matériaux innovants mettrait en avant les pôles de compétitivité de la Métropole. Le programme pourrait être composé de logements, d’écoles, d’un restaurant panoramique.Il ne faut pas oublier que les villes européennes se valorisent et se distinguent par des éléments architecturaux qui les différencient.
  • Un pont transbordeur serait le troisième point d’attractivité. Constitué d’un grand portique appuyé sur quatre pylônes qui assoient un tablier à 60 m de haut qui pourrait accueillir plus de 1 000 personnes et auquel serait suspendue une nacelle, allant d’une rive à l’autre.L’ouvrage devient un ouvrage d’art vivant, qui lui donne une composante complémentaire. Il répond aux trois combinaisons de l’attractivité ; le moyen de franchissement ; le pont habité ; une vraie valeur iconique qui peut rayonner sur la ville et à l’international.On embarquerait sur le transbordeur au moyen de deux gares par pylône (voitures, busway, tramway sont possibles). Les passagers pourraient prendre également la nacelle. Un vrai voyage même s’il ne dure qu’une minute…Composante intéressante de cet ouvrage : une rue aérienne à 60 m de haut qui libère un panorama sur la Métropole d’un côté et l’Océan de l’autre.Sur 230 m de long et 14 m de large l’originalité, c’est l’occupation de cette surface qui peut devenir festive ou muséographique. Un ouvrage rentable à partir de 450 000 visiteurs/an.
  • Quatrième proposition pour l’attractivité : l’accueil de bateaux de plaisanciers qui pourraient s’amarrer dans un silo port. Il est présenté par une société nantaise « le bluering », avec une partie émergée qui peut accueillir des voitures ou des bateaux sans mât. Il renforcerait l’accueil en se tournant vers l’Océan, dans les secteurs de Trentemoult, de Saint-Sébastien-sur-Loire et vers le stade Marcel Saupin, à la jonction entre la Loire et l’Erdre.

Les différents thèmes développés par le groupe de Cobatystes Nantes Atlantique sont tous complémentaires : « hubs », ponts habités, barges, « Green Line » et attractivité… pour retrouver le trait d’union que constitue la Loire. Toutes les propositions sont situées sur la Loire et n’impactent donc pas le foncier, ni les connexions existantes.Relier les quartiers, mettre en place des liaisons fluides depuis les environs de Nantes jusqu’aux quartiers centraux, avec des déplacements aisés notamment grâce aux Navibus, est essentiel dans une Métropole en pleine expansion.Il s’agit de redonner les lettres de noblesse à la Loire de façon à ce qu’elle devienne un véritable acteur économique tout en lui redonnant son aspect vivant.

 

Un article écrit par :

Nolwenn Dulieu, Architecte DPLG Urbaniste, gérante de l’Atelier du Lieu

Présidente de COBATY Nantes-Atlantique

Publié dans la revue « Trait Bleu » de Cobaty – Aout 2015