Disparition de Jacques Dulieu

29 septembre 2023Actualités

Jacques Dulieu, né à Lille le 12 juin 1938 est parti ce 19 septembre 2023.

Architecte DPLG, il participe aux grands mouvements de cette période en développant le métier d’architecte et d’urbaniste dans la France entière avec de nombreuses rencontres. Jouant allègrement entre les différentes échelles de la ville, des espaces publics, des bâtis jusqu’au mobilier urbain, il a toujours placé l’humain au cœur de ses projets.

De son enfance dans le Nord, il est monté à Paris où ses parents s’installaient dans le 5ème arrondissement. Il intègre le lycée Louis le Grand et passe son bac « math. élem. » en 1957.

Il est admis en 1958 en section architecture à l’Ecole des Beaux, dans l’atelier d’André Leconte, puis d’Édouard Albert. Ce sont des années fortes et formatrices. Ce sont des années où vont naitre de très belles amitiés et la découverte des fièvres des fanfares : Honoré Champion et Léon Malaquais. Avec son picolo dans la fanfare Malaquais, il montera même sur scène à l’Olympia pour accompagner un spectacle de Jacques Tati.

L’intermède du Service militaire effectué dans la Marine Nationale en 1965/1966 lui laisse des souvenirs mémorables : classes dans le Médoc puis l’OTAN au Palais de Chaillot !

Une étape importante se créé avec la rencontre de Jean Pierre Peneau donnant une ouverture sur l’enseignement à Nantes. C’est un nouveau modèle pédagogique qui s’invente avec la création des Unités Pédagogiques d’architecture grâce à la révolution des pensées de mai 68, loin des ateliers des Beaux-arts, avec une force formatrice, un enseignement engagé pour la construction d’un nouveau rôle social pour l’architecte.

Diplômé le 14 janvier 1969, il s’engage dans des études complémentaires à l’Institut d’Urbanisme de Paris.

Il crée en 1967 avec Rémy de Sèze et Michel Maurel, chez ses parents au 86 rue Claude Bernard dans le 5ème à Paris, l’Atelier 86. L’aventure commence. En 74, l’atelier devient une SCOP, et en 79, ils déménagent au 37 rue Linnée. En 79, il créé un Atelier 86 bis à Nantes.

Il participe à de nombreux concours dont la maison du Japon qui a été exposée dans la série coup de cœur au Pavillon de l’Arsenal à Paris, et le concours de l’Opéra Bastille.

Il œuvre pour le logement social, les salles de spectacles et la transformation des villes comme à Montreuil afin de permettre à la ville de dépasser l’étape industrielle.

La Croix Jeannette est une autre aventure, cette fois-ci à Bouguenais avec François Autain. Première ZAC de France, récompensée par la Préfecture, il dessine le quartier mais également une école ouverte, du logement social et des maisons patio en concertation avec les habitants.

A Nantes, il dessine les stations de la première ligne de tramway qui seront ensuite déclinées dans la métropole, puis gagne le concours de la ligne 2 puis de la ligne 3. C’est la ville qui renoue avec l’Erdre, qui redéfinit sont port, les quais à inventer, le mobilier urbain à dessiner. Il gagne également le concours ouvert de l’Île de Versailles en 1986, en inventant un jardin botanique de style japonais, avec Michel Cormier, Claudine Breton, Michel Dudon, et Louis Soulard paysagiste. Au-delà de ce jardin toujours très apprécié qui a obtenu le Green Flag Award en 2023, il créé des liaisons urbaines entre les quartiers avec le pont à hauban et la passerelle Dulieu.

Avec le tramway, il parcourt la France : des interventions à Strasbourg, Clermont-Ferrand, Montpellier…

Une autre porte s’ouvre dans sa carrière : l’hôpital.  Monique Perrot présente Jacques à Guy Desthomas, directeur de l’hôpital d’Hennebont. Le défi est colossal : l’Humanisation de ces établissements, avec la suppression des salles communes où s’alignent les lits. Il réalise celui de Rochefort en Terre, de La Gacilly, de Redon, de Guémenéen sur Scorff, … Il y a eu aussi Concarneau avec la conception de son Ephad où il dessine toutes les chambres tournées vers la mer. A Sautteville les Rouen, il rencontre Anselmi. Il s’inspire du travail de Marcel Lots sur la reconstruction de la ville afin de réaliser la maison de retraite. Elle s’insère dans l’ensemble, respire et organise les formes. Les couloirs ne sont jamais parallèles, s’ouvrant et se refermant. Elle est toujours visible dans le guide de l’architecture contemporaine de l’agglomération de Rouen.

En parallèle, Jacques continue à enseigner jusqu’en 2003 à l’école supérieure d’architecture de Nantes. Prônant l’apprentissage par le voyage, les rencontres, le croisement des disciplines dont l’architecture, l’urbanisme, l’art plastique, la sociologie… il met en place des voyages immersifs et une collaboration avec les Ecoles d’Architecture de Hambourg, de Prague et de Wroclaw.  Directeur des études, il milite pour déplacer l’école d’architecture au cœur de la cité nantaise.

En 2004, il créé avec sa fille, l’Atelier Dulieu. Une nouvelle aventure dans ce monde de l’architecture et l’urbanisme.

Toute sa vie, il dessine au art pen, arpentant, carnet de croquis à la main Paris, Hambourg, Rome, Bakou, Saint Pétersbourg, Vancouver, Mexico DF, le Sahara, Angkor, l’Auvergne et d’autres horizons. Nous pouvons en profiter également grâce aux deux livres publiés avec Jean Paul Barbe : l’Europe Buissonnière et l’Ençaï.

Fier d’avoir animé autour de lui différentes équipes à Nantes et à Paris, Jacques Dulieu était animé par ces disciplines. Il y a rencontré de très nombreux amis, je n’aurai pas ici suffisamment de place pour tous les citer : plasticiens, écrivains, architectes, élus, sociologues, maçons, charpentiers, comptables, dessinateurs, secrétaires, économistes, ingénieurs, habitants, étudiants, musiciens, gens de l’eau…